Sujétion culturelle :

L’expansion politique ne se conçoit guère sans influence culturelle, et pour Pékin, cette influence ne se comprend que par la sinisation du peuple conquis. Puisque les Vietnamiens sont destinés à fusionner dans le grand chaudron chinois, il faut effacer les traces d’antagonisme héréditaire chez eux et leur ôter en même temps la fierté de leur passé historique. C’est ainsi que Pékin imposa à Hanoi diverses mesures :

  • Faire oublier la vaillante résistance à l’armée chinoise dans la guerre de 1979-1989 : A l’indignation impuissante des anciens combattants, à la frontière nordique, Hanoi dut faire gratter sur la tombe des militaires vietnamiens morts pour la patrie tout ce qui a trait à cette guerre et à leur héroïsme. Par contre, des cimetières et monuments grandioses y furent édifiés en l’honneur des soldats chinois tombés au Vietnam. L’abondante publication hostile à la Chine durant la guerre disparut de la circulation et désormais les rares mentions de cette guerre dans les manuels d’histoire ne comportent guère plus de 11 lignes, si bien que les jeunes Vietnamiens ignorent jusqu’à son existencexi. Sur les annexions des terres frontalières comme des îles Paracel et Spratly et sur les exactions fréquentes de l’armée chinoise tels le mitraillage des bateaux de pêcheurs ou l’abattage des avions vietnamiens au large des eaux territoriales vietnamiennes dont la Chine s’est approprié la moitié, un silence radio est strictement observé.

  • Eviter la glorification des grands héros de l’histoire honorés pour leur lutte victorieuse contre l’envahisseur chinois. Il fut même question sous des prétextes oiseux de retirer leurs statues des lieux publics, mais le sujet trop sensible fut remis de côté et le pouvoir se contente de les déboulonner dans les habitations des particuliers (cas récent pour la statue du général Trần Hưng Đạo, grand vainqueur des Mongols, édifiée chez un habitant de la province de Lâm Đồngxii).

  • Aucune assimilation ne peut s’exercer sans adoption du langage. A l’inverse de l’anglais, langue très flexible et aisée à apprendre, malheureusement pour les ambitions hégémoniques de la Chine, la langue chinoise avec son écriture idéographique se prête mal à la propagation internationale et ne séduit guère les Vietnamiens. Si tu ne veux pas l’apprendre de ton plein gré, tu l’apprendras de force : des décrets furent donc arrêtés en fin 2016 pour imposer le chinois comme une première langue obligatoire au secondaire et pour introduire le chinois comme deuxième langue dès le primaire. Pour le moment, des émissions entièrement en chinois sont diffusées par la radio et la télévision vietnamiennes et même dans les programmes vietnamiens sont intercalées au milieu de la musique nationale des chansons chinoises.