En dépit de ses engagements en faveur des droits de l’homme envers l’ONU au point d’obtenir un siège au Conseil des droits de l’homme de 2014 à 2016, le Vietnam communiste ne cesse de bafouer les libertés civiques des citoyens, de réprimer par tous les moyens la liberté d’expression et d’association.

Non contents d’empêcher les citoyens d’émettre des opinions contraires à la ligne du parti au pouvoir, les Big Brothers de Hanoï veulent qu’ils aiment le parti et approuvent toutes ses décisions, aussi absurdes et immorales soient-elles.

Pour y arriver, le parti a axé ses efforts dès l’origine sur la propagande baptisée « dân vận » (agit-prop) avant sa prise de pouvoir, puis « tuyên giáo » (éducation par la propagande) après, dont les agents étaient tirés de divers organismes de l’Etat.
Ce n’est qu’en 2010, après un accord avec la Chine sur la coopération en matière de propagande que le Vietnam créa sur instigation et à l’imitation de son grand voisin une armée spécialisée de propagandistes chargés d’orienter politiquement la population, appelés « dư luận viên » (orienteurs d’opinion) dûment stipendiés. L’existence de ces orienteurs d’opinion n’est révélée au public que le 17/1/2013 via un article du journal Lao động (https://laodong.vn/xa-hoi/ca-nuoc-co-gan-80000-tuyen-truyen-vien-mieng-99679.bld).

Selon les chiffres avancés lors d’un congrès national de la propagande tenu à Hanoï le 9/1/2012 qui y sont rapportés, le nombre des orienteurs d’opinion ne cesse de grandir : de plus de 65.000 en 2011, ils sont 80.000 en 2013 ; depuis combien sont-ils, on l’ignore. Ce que l’article nous apprend c’est qu’ils sont présents partout, jusqu’au niveau des villages.
En septembre 2017 paraît dans le blog des étudiants vietnamiens pour les droits de l’homme une intéressante confession d’un orienteur d’opinion (https://hoisinhviennhanquyen.org/2017/09/09/tam-su-cua-mot-du-luan-vien/ ) dont je donne ci-dessous la traduction. En confrontant les divers documents concernant ces agents propagandistes, on peut estimer que leur nombre actuel tourne autour de 100.000.

Alors qu’en 2012 ils ne travaillaient qu’à temps partiel à côté d’une autre activité puisque leur salaire était appelé indemnité (équivalant à de 1/10 à 1/3 du salaire minimum) et avaient donc une autre activité à côté, depuis 2015 ils exercent leur métier à plein temps avec un salaire variant de 3 à 10 millions (120 à 400 USD) selon leur importance. Si on prend 5 millions đồng comme salaire moyen, on voit que le pouvoir dépense rien que pour sa propagande 24 millions USD par an.
Quelle est donc la mission de ces orienteurs d’opinion ?

A l’instar de la Chine, cette nouvelle armée de propagandistes sous la houlette du Service de l’éducation par la propagande (Ban tuyên giáo) a d’abord été instituée pour contrer la prise de conscience du citoyen de ses droits et la prise de sa libre parole grâce à Internet. En dehors de leur ancienne activité de glorification du parti, de débusquement des mauvaises pensées et d’attaque de leurs auteurs, ils sont chargés d’entretenir des polémiques contre les bloggers et facebookers par des commentaires dans les pages de ces derniers ou par des écrits sur leurs propres sites.

Comme la plupart d’entre eux n’ont qu’une instruction limitée, ils sont incapables d’opposer à leurs adversaires d’autres objections que des arguments ad hominem, et en fait de controverse, leur intervention consiste en des affirmations mensongères et des insultes des plus ordurières. Face à un adversaire trop populaire, il leur reste la possibilité de multiplier les plaintes et protestations sous des prétextes fallacieux auprès de Google et Facebook pour faire fermer leur compte. En attendant de pouvoir se passer de ces géants et de les remplacer par leurs équivalents chinois comme en Chine afin de museler complètement l’opinion.
Officiellement, les orienteurs d’opinion se cantonnent dans le travail « intellectuel », mais pour intimider les dissidents et éventuels opposants, ils passent aussi à l’action.

Ils secondent la police dans le harcèlement des démocrates en se livrant à des actes ignobles genre insultes obscènes, jets de pierre, de peinture, de sauce puante, ou d’excrément allant jusqu’au tabassage en règle, choses que la police ne peut faire publiquement sans motif légal.

Ces voyous oeuvrèrent ouvertement en nombre vêtus de maillot aux couleurs du drapeau national communiste (rouge à étoile jaune) lors des manifestations de 2014 et 2015 contre la Chine à propos des Paracels et Spratly. Leurs exactions furent telles que les autorités durent se désolidariser d’eux, déclarant que les « drapeaux rouges » sont des « citoyens patriotes » dressés spontanément contre les « forces ennemies ». En fait les voix dissidentes ont commencé à s’élever au Vietnam à cause de l’occupation de ces îles par la Chine, et c’est pour lutter contre toute opinion anti-chinoise que fut créée à l’instigation de Pékin l’armée des orienteurs d’opinion dont la troupe des Drapeaux Rouges constitue en réalité la garde de choc destinée à la protection des intérêts de la Chine.
Or actuellement la seule force capable de résister aux manigances chinoises est la communauté catholique des provinces côtières du Centre qui n’a pas cessé de manifester depuis avril 2016 contre l’entreprise chinoise Formosa coupable de la pollution de la mer.

C’est ainsi qu’une Alliance de Drapeaux Rouges (Liên minh cờ đỏ) créée en mai 2017 prétendument à l’appel de plusieurs organisations patriotiques pour prêter main forte à la police – obligée malgré tout de respecter certaines formes – dans la répression des « réactionnaires », est venue tenir sa première réunion les 29-30/10/2017, au village de Sơn Hải, district de Quỳnh Lưu, province Nghệ An, à côté de la paroisse Văn Thai.

700 Drapeaux Rouges venus des diverses provinces du pays, soi-disant spontanés et non stipendiés, s’y sont livrés en toute impunité à des hurlements, menaces et jets de pierres contre les prêtres et leurs paroissiens. En donnant carte blanche à des fanatiques et voyous patentés pour exciter la population contre des communautés, le pouvoir est en train de susciter des pogroms dans un pays où la violence rentrée des habitants soumis à trop de contraintes risque, faute de pouvoir se déchaîner sur leurs persécuteurs (le parti) et leurs ennemis (la Chine), se défoule aisément contre des adversaires désignés.