http://images.kienthuc.net.vn/zoom/1000/uploaded/luuthoa/2017_10_30/1/ngam-net-dep-co-kinh-cua-chua-lien-tri-hinh-2.jpgPagode Liên Trì avant sa destruction par les autorités

https://i.ytimg.com/vi/wy_9y41kYFk/maxresdefault.jpgCe qui reste de la pagode après l’intervention des autorités

A partir du début de cette année (1/1/ 2018)  entre en vigueur au Vietnam une loi sur les croyances et les religions élaborée à l’époque des pires craintes du régime devant les grandes manifestations des catholiques du Centre-Vietnam victimes de la catastrophe Formosa. Quoique votée depuis plus d’un an (le 18/11/2016), le pouvoir a préféré attendre que l’attention des media internationaux sur le Vietnam suscitée par l’APEC s’estompe et aussi que l’ardeur protestataire des victimes de Formosa s’essouffle, pour la mettre en application.

Le but de cette loi inédite (dans quel autre pays existe-t-il une loi spéciale sur les croyances et les religions ?) est, bien sûr, de contrôler tout système de pensées poussant les êtres humains à se retrouver pour communier. Avec cette loi, le Vietnam est pour une fois en avance sur la Chine qui n’a promulgué qu’un Règlement des affaires religieuses que Pékin a d’ailleurs récemment modifié (le 7/9/2017) dans un sens plus restrictif. Cette loi, en apparence libérale si l’on ne lit que les neuf premiers articles qui renouvellent le principe de la liberté de croyance et de religion proclamée dans la Constitution de 2013 (art 24 pour la liberté de religion et art.25 pour la liberté d’opinion), devient à partir de l’article 10 (jusqu’à l’art.63) une somme d’obstacles à l’exercice du culte et à l’expression publique des croyances. Toute constitution de groupe, toute réunion, toute construction d’inspiration religieuse, toute manifestation de convictions, etc. nécessite une autorisation préalable des autorités.

Le pouvoir communiste, par définition athée, ne supporte aucune concurrence dans l’influence des esprits et fait tout pour serrer la vis aux propagateurs de foi, quelle qu’elle soit. Il ne supporte aucune organisation indépendante de lui, surtout celles fédérant un grand nombre de personnes que lie un idéal ou une foi commune, de peur qu’elle ne constitue une force d’opposition de taille. Dans cette optique, Hanoï cherche constamment à embrigader les diverses églises : les ministres religieux qui veulent exercer leur sacerdoce doivent accepter l’immixtion du Parti et s’en faire les propagandistes. L’entreprise est aisée avec le bouddhisme qui n’est pas institutionnalisé et ne comporte pas de système de nomination et de contrôle des bonzes : il suffit à Hanoï de mettre ses espions et hommes de main à la tête des pagodes récalcitrantes d’où sont chassés les religieux authentiques dont les plus réfractaires sont arrêtés et emprisonnés : Pour déloger les bonzes rebelles de leur bastion, le pouvoir va jusqu’à faire raser leur pagode, comme ce fut le cas de Liên Tri, un centre bouddhiste assez connu à Saïgon, le 8/9/2016. Les rares pagodes, où ils tiennent encore bon, sont constamment surveillées par les policiers qui s’en prennent aux fidèles venus y faire leurs dévotions et, tant qu’ils refusent de se mettre au service du parti, leur temple, souvent décrépit, ne peut obtenir un permis de restauration. Le résultat est qu’on voit maintenant des bonzes aux ordres prêcher la soumission au Grand frère chinois, faire adorer Hồ Chí Minh comme une incarnation du Bouddha aussi bien dans les pagodes qu’à domicile sur les autels des ancêtres ! Il va sans dire que les faux bonzes ainsi parachutés, d’ordinaire sans morale ni scrupule, profitent de leur influence sur l’esprit des foules ignorantes pour s’adonner à de nombreux vices au point de susciter régulièrement des scandales (luxe ostentatoire, orgies, viols en réunion…), ce qui ne déplaît pas au pouvoir qui ne demande pas mieux que de voir les religions discréditées.

La même méthode est utilisée avec les sectes bouddhistes Hoà Hảo et Cao Đài, avec un peu plus de brutalité. Comme leurs fidèles, très fervents dans leurs croyances, se résignent difficilement à suivre les dignitaires étatisés, et qu’en plus ils sont peu nombreux et pour la plupart de situation modeste, le pouvoir ne se gêne pas pour les opprimer, leur interdire de célébrer leur culte, empêcher leur réunion, battre et torturer ceux qui osent se plaindre ou prendre contact avec un organisme des droits de l’homme. Les Hoà Hảo, particulièrement exécrés par le régime, conscient de leur haine des communistes qui ont assassiné leur père fondateur, le révérend Huỳnh Phú Sổ en 1947, sont sans cesse en butte aux tracasseries policières et risquent, à la moindre résistance, de subir emprisonnement, torture ou exécution (cas de Nguyễn Hữu Tấn, égorgé le 3/5/2017 à Vĩnh Long).

Les protestants, partagés entre plusieurs Eglises différentes sans organisation hiérarchique, devraient être facilement mis au pas si leurs pasteurs n’étaient pas animés par une foi solide qui leur fait refuser l’enregistrement auprès de l’administration et donc d’être enrégimentés par le parti. Solidaires des malheurs de leurs ouailles, plusieurs d’entre eux se sont engagés dans la lutte pour la démocratie et la paient de leur liberté comme de leur vie. Tel est le sort réservé au pasteur Nguyễn Trung Tôn, tabassé grièvement et laissé pour mort en février 2017, puis emprisonné le 30/7/2017. Et par mesure de représailles, le pouvoir donne carte blanche aux policiers pour menacer, attaquer, détrousser et battre leurs paroissiens.

Avec le catholicisme, la prise en main est plus ardue mais non inopérante. Par peur des persécutions de Hanoï et donc par prudence, le Vatican interdit aux ecclésiastiques de se mêler de politique ; une bonne partie des prêtres obéissants se taisent ainsi sur tous les sujets sociaux sensibles intéressant la vie de leurs ouailles quoiqu’il s’agisse des conséquences de la politique menée par le pouvoir. Mais un certain nombre, leur conscience de citoyen patriote aidant, n’oublie pas qu’un serviteur de Dieu doit aussi se pencher sur le malheur des enfants de Dieu, les épauler dans leurs souffrances, et donc les accompagner dans leur lutte contre le pouvoir qui les opprime. Il se fait que la majorité d’entre eux vive dans le Centre-Vietnam, devenu depuis avril 2016 une région martyre à cause de la pollution de la mer par l’entreprise chinoise Formosa qui s’en est tirée avec 500 millions USD d’indemnisation dont la population touchée n’a guère vu la couleur, et continue ses rejets toxiques avec la bénédiction du régime. Pire encore, les manifestations de la population, en grande partie chrétienne, réclamant justice et fermeture de l’usine, ont chaque fois été réprimées par les forces de l’ordre qui empêchent les familles des pêcheurs en chômage forcé et tombées dans la misère de déposer requêtes et plaintes contre elle.

De par leur foi de charbonnier qui les rend très solidaires et attachés à leurs prêtres, et surtout de par leur désespoir devant la perte de tout moyen d’existence sur leurs terres (outre la pêche interdite due aux pollueurs et agresseurs armés chinois, l’agriculture et l’élevage sont régulièrement détruites par les crues et sécheresses provoquées par les barrages chinois) les catholiques vietnamiens du Centre-Vietnam constituent actuellement la seule communauté importante capable d’organiser des manifestations de masse, ce qui en fait la bête noire de Hanoï. Pourtant leur requête est des plus légitimes : que Formosa indemnise les habitants à la hauteur des dommages causés après une estimation sérieuse de scientifiques indépendants, et qu’elle soit fermée en attente d’un satisfecit des scientifiques sur sa capacité de traitement des déchets au lieu de continuer à les rejeter dans la mer et dans l’air. De telles mesures normalement prises par tout pouvoir, sans besoin de pression populaire, dans les autres pays contre toute entreprise polluante, ne peuvent être envisagées actuellement au Vietnam, s’agissant des entreprises chinoises, qui plus est une entité parrainée par Pékin qui s’en sert pour ses sinistres desseins. Les dirigeants vendus de Hanoï liés à Pékin par des accords honteux et des pots-de-vin généreux, n’osent guère déplaire à leurs maîtres, et loin de venir en aide aux victimes, répondent à leurs cris au secours par le déploiement de matraques, de bombes lacrymogènes, de camions à ultra-sons, et aussi de fusils.

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Pour éviter la diffusion des images de répression policière défavorables au régime, tabassages et intimidations grossières du petit peuple catholique ont été confiés à des suppôts habillés en civil, dont les agressifs Drapeaux rouges (voir article à leur sujet) constituent le fer de lance. Depuis la catastrophe Formosa en avril 2016, les paroisses du Centre-Vietnam n’ont cessé de subir harcèlements, campagne de dénigrement et d’intimidation verbale ; poussés à abandonner leurs foyers afin que de nouveaux colons chinois puissent s’établir dans la région, les habitants s’accrochent. Leur ténacité irrite et fait redouter au pouvoir une propagation dans tout le pays de la désobéissance civile comme forme de lutte potentiellement efficace, au point que le Secrétaire général Nguyễn Phú Trọng a dû venir le 28/10 dernier à Nghệ An dans la 4è circonscription militaire dont dépend le Centre-Vietnam exhorter l’armée à « ne pas laisser se réaliser l’auto-évolution, l’auto-mutation », autrement dit toute tentative de démocratisation du régime. Ne pouvant venir à bout de leur détermination, le pouvoir communiste est même prêt à susciter une guerre de religion en excitant la majorité bouddhiste manipulée par les bonzes jurés contre les chrétiens.

La nouvelle loi sur les croyances et les religions, à laquelle s’ajoutent deux décrets d’application vient à point nommé pour permettre à un régime aux abois de faire taire toutes les forces un tant soit peu organisées, après une chasse fructueuse contre les dissidents isolés (40 arrestations rien qu’en 2017). Avec un pays en ruine et son invasion de plus en plus flagrante par les Chinois, Hanoï veut museler l’opinion et empêcher toute agrégation et organisation des mécontents. Le peuple, encore abruti par la propagande officielle, saura-t-il  se réveiller et former un front solidaire capable de sauver le Vietnam d’une annexion programmée ? C’est en tout cas le vœu que nous formons en cette époque de nouvel an (2018 et Mậu Tuất).

 

Texte de la loi sur les croyances et les religions : https://thuvienphapluat.vn/van-ban/Van-hoa-Xa-hoi/Luat-tin-nguong-ton-giao-2016-322934.aspx

Etat des persécutions religieuses au Vietnam en 2017 : http://www.duocviet.org/2018/01/09/tinh-hinh-ton-giao-tai-viet-nam-nam-2017/